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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6334 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CONTRAT

AGENCE MATRIMONIALE - COURTAGE MATRIMONIAL

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

Réglementation. Les courtages matrimoniaux ont fait l’objet assez tôt d’une réglementation protégeant le consommateur (Loi n° 89-421 du 23 juin 1989 (art. 6) : JORF 29 juin 1989 ; Cerclab n° 5205. - Décret n° 90-422 du 16 mai 1990 : Cerclab n° 5206.). Il pouvait sembler curieux que cette loi soit restée en dehors du Code de la consommation lors de sa création en 1993. L’ordonnance du 14 mars 2016 a mis fin à ce particularisme dans les nouveaux art. L. 224-90 à L. 224-95 C. consom., L. 242-32 et 33 C. consom. (sanctions), R. 224-1 à 224-3 C. consom. et aux art. R. 242-16 à R. 242-20 C. consom. (sanctions). La solution n’est pas sans conséquence, notamment parce que la faculté de relever d’office une violation d’une disposition protégeant le consommateur ne concerne littéralement que le Code de la consommation (art. R. 632-1 C. consom.). Si les sites de rencontre se sont considérablement développés, il semble que les véritables contrats de courtage matrimonial n’ont pas disparu, comme en attestent les décisions récentes visées plus loin.

Recommandation. Recommandation n° 87-02, du 15 mai 1987, sur les contrats proposés par les agences matrimoniales : Boccrf 13 août 1987 ; Cerclab n° 2157. § N.B. La recommandation a été rendue en considération de l’absence de réglementation à l’époque où elle a été prise (considérant n° 3).

Loi applicable. Dès lors qu'il n'est pas établi que les parties aient fait le choix d'une loi déterminée, que le contrat de courtage matrimonial avait pour objet la fourniture de services et que le consommateur avait été démarché à son domicile en France, la loi française était applicable en vertu de l'art. 5-3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur les obligations contractuelles. Cass. civ. 1re, 12 juillet 2005 : pourvoi n° 02-16915 ; Bull. civ. I, n° 322 ; Dnd.

A. PRÉSENTATION ET FORMATION DU CONTRAT

Présentation du contrat. Selon l’art. L. 224-90 al. 1 C. consom., « l'offre de rencontres en vue de la réalisation d'un mariage ou d'une union stable, proposée par un professionnel, fait l'objet d'un contrat écrit, rédigé en caractères lisibles, dont un exemplaire est remis au cocontractant du professionnel au moment de sa conclusion ». Le texte reprend à l’identique l’art. 6-I, alinéa 1, de la loi du 23 juin 1989 (sauf pour une légère modification de rédaction, « fait l’objet » au lieu de « doit faire l’objet »).

* Taille des caractères. V. déjà : la Commission des clauses abusives recommande que les contrats soient lisibles, en corps 8 au moins. Recomm. n° 87-02/1° : Cerclab n° 2157 (considérant n° 4 ; cette pratique, condamnée par la jurisprudence, ne peut être justifiée par des problèmes particuliers de taille des documents, alors surtout que les parties autres que contractuelles, notamment les indications publicitaires ou documentaires de ces mêmes documents, sont, elles, imprimées en caractères très lisibles, et que seules les clauses de portée contractuelle sont en caractères minuscules).

* Emplacement de la signature. La Commission des clauses abusives recommande que les clauses du contrat précédent la signature des parties. Recomm. n° 87-02/2° : Cerclab n° 2157 (considérant n° 5 ; recommandation opposée à la pratique d’une signature au recto alors que les clauses de contrat ne figurent qu'au verso). § N.B. Cette préconisation n’a que rarement été reprise par les tribunaux (V. Cerclab n° 6085).

Mentions obligatoires. Selon l’art. L. 224-90 al. 1 C. consom., « Le contrat mentionne le nom du professionnel, son adresse ou celle de son siège social, la nature des prestations fournies, ainsi que le montant et les modalités de paiement du prix. Est annexée au contrat l'indication des qualités de la personne recherchée par le cocontractant du professionnel. » L’ancien art. 6-I, alinéa 2, de la loi du 23 juin 1989 était légèrement différent : « Le contrat doit mentionner sous peine de nullité, le nom du professionnel, son adresse ou celle de son siège social, la nature des prestations fournies, ainsi que le montant et les modalités de paiement du prix. Est annexée au contrat l'indication des qualités de la personne recherchée par le cocontractant du professionnel. » Mais cette différence s’explique par le fait que c’est désormais l’art. L. 242-32 C. consom. qui précise que « les mentions prescrites au deuxième alinéa de l'article L. 224-90 sont prévues à peine de nullité du contrat ».

Consentement du professionnel : motifs de refus. N’est pas abusive la clause permettant le refus d’adhésion pour des motifs de moralité risquant de causer préjudice aux autres adhérents, le professionnel ayant l’obligation d’évaluer la personnalité de l’adhérent. TGI Dijon (1re ch. civ.), 10 avril 1995 : RG n° 1894/94 ; Cerclab n° 624 (clause relevant de la nature du contrat de courtage). § Rappr. ci-dessous pour l’octroi d’une faculté de résiliation unilatérale pour les mêmes motifs.

Consentement du consommateur : droit de rétractation. Selon l’art. L. 224-91 C. consom., « Sans préjudice des dispositions de l'article L. 221-18, dans un délai de sept jours à compter de la signature du contrat, le cocontractant du professionnel mentionné à l'article L. 224-90 peut revenir sur son engagement, sans être tenu au paiement d'une indemnité. [alinéa 1] Avant l'expiration de ce délai, il ne peut être reçu de paiement ou de dépôt sous quelque forme que ce soit. [alinéa 2] ». Le texte reprend les dispositions de l’art. 6-II de la loi du 23 juin 1989, en y ajoutant le renvoi à l’art. L. 221-18 C. consom. § L’art. R. 224-3 C. consom. (repris de l’art. 3 du décret du 16 mai 1990 précise que « la renonciation au contrat prévue par les dispositions de l'article L. 224-91 est effective dès lors que le cocontractant du professionnel a, dans le délai de sept jours mentionné par ces mêmes dispositions, manifesté de manière non équivoque sa volonté de se rétracter, notamment par l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la remise au professionnel, contre récépissé, d'un écrit contenant renonciation »

* Clause n’informant pas sur le droit de rétractation. S'il résulte de l'ancien art. 6-II, alinéa 1, de la loi du 23 juin 1989 [224-91], que le cocontractant dispose d'un délai de rétractation de sept jours, il en résulte également que la mention du droit de repentir dans le contrat de courtage matrimonial n'est pas une formalité substantielle requise à peine de nullité, le bénéfice du droit de rétractation dans les sept jours de la signature du contrat étant, en tout état de cause, préservé. CA Bordeaux (1re ch. civ. sect. B), 19 janvier 2012 : RG n° 10/05137 ; Cerclab n° 3553, sur appel de TI Périgueux, 15 mars 2010 : RG n° 11-09-0096 ; Dnd. § Dans le même sens : CA Metz (3e ch.), 6 février 2014 : RG n° 12/00618 ; arrêt n° 14/00142 ; Cerclab n° 4702 (l'art. 6 § 1, qui donne une liste détaillée des mentions devant figurer au contrat sous peine de nullité, n'y inclut pas la faculté de rétractation dans un délai de sept jours ; preuve suffisamment rapportée en l’espèce de l’information du client sur l’existence du droit de rétractation), sur appel de TI Saint-Avold, 26 janvier 2012 : RG n° 11/01420 ; Dnd.

Comp. sous un angle répressif : il se déduit de l’ancien art. L. 121-1-II C. consom., en suite des articles 2, 3 et 7 de la directive du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, que sont considérées comme substantielles les informations relatives notamment à l’exercice d’un droit de rétractation prévu par la loi, dans toute communication commerciale constituant une invitation à l’achat, que celle-ci soit antérieure ou concomitante à la transaction commerciale ». Cass. crim., 13 janvier 2016 : pourvoi n° 14-84072 ; Bull. crim. ; Cerclab n° 5485 (rejet du pourvoi contre l’arrêt ayant prononcé une condamnation, après avoir constaté que l’information relative au droit de rétractation prévu en matière de contrat de courtage matrimonial n’avait pas été fournie, de façon intelligible, sans ambiguïté ni contretemps, dans le contrat lui-même ou de toute autre manière), rejetant le pourvoi contre CA Lyon (7e ch.), 16 avril 2014 : Dnd.

* Clause imposant un formalisme particulier (LRAR). N’est pas abusive la clause qui impose à l'adhérent qui désire mettre en œuvre son droit de rétractation de le faire par lettre recommandée avec accusé de réception, cette condition de forme n’ayant pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif et permettant seulement de vérifier plus aisément les conditions dans lesquelles la faculté de rétractation appartenant à l'adhérent est mise en œuvre. TGI Rennes (1re ch. civ.), 21 janvier 2008 : RG n° 06/04221 ; Cerclab n° 3436, sur appel CA Rennes (1re ch. B), 30 avril 2009 : RG n° 08/00553 ; Cerclab n° 2506 (problème non examiné, l’appel étant limité à une autre clause).

* Clause imposant la remise de documents. Est abusive la clause imposant au consommateur de remettre différents documents dans les sept jours de la conclusion du contrat, cette obligation contredisant le délai de rétractation de sept jours offert par la loi de 1989. TGI Dijon (1re ch. civ.), 10 avril 1995 : RG n° 1894/94 ; Cerclab n° 624.

Validité du contrat : consommateur marié. Le contrat proposé par un professionnel, relatif à l'offre de rencontres en vue de la réalisation d'un mariage ou d'une union stable, qui ne se confond pas avec une telle réalisation, n'est pas nul, comme ayant une cause contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs, du fait qu'il est conclu par une personne mariée. Cass. civ. 1re, 4 novembre 2011 : pourvoi n° 10-20114 ; Bull. civ. I, n° 191 ; Dnd. § Dans le même sens : CA Metz (3e ch.), 6 février 2014 : RG n° 12/00618 ; arrêt n° 14/00142 ; Cerclab n° 4702, sur appel de TI Saint-Avold, 26 janvier 2012 : RG n° 11/01420 ; Dnd.

B. OBLIGATIONS DU CONSOMMATEUR

Respect de la liberté matrimoniale. Les motifs de la recommandation n° 87-02 rappellent que les contrats ne peuvent porter atteinte à la liberté matrimoniale (même si aucun point précis n’a repris cette question), ce qui rendrait irrégulières des clauses stipulant une obligation de résultat pour l’agence ou subordonnant le paiement du prix à la conclusion d’un mariage. Recomm. n° 87-02 : Cerclab n° 2157 (considérant n° 1).

Prix : respect du crédit à la consommation. Avant la loi de 1989, qui n’a pas abord » cette question, la Commission des clauses abusives avait recommandé que dans les contrats proposant un paiement échelonné sur une durée supérieure à trois mois, soient respectées les dispositions de la loi du 10 janvier 1978 sur le crédit mobilier. Recomm. n° 87-02/5° : Cerclab n° 2157 (considérant n° 8 : nécessité de respecter ces dispositions d'ordre public).

En sens contraire : TGI Dijon (1re ch. civ.), 10 avril 1995 : RG n° 1894/94 ; Cerclab n° 624 (si les dispositions de la loi du 10 janvier 1978 sont d'ordre public, la loi ne fait pas obligation au professionnel d'y faire référence expressément et l'absence d'une telle indication ne prive pas le consommateur de s'en prévaloir en cas de litige).

Prix : date du paiement. La Commission des clauses abusives recommande que soient éliminées les clauses prévoyant le règlement à l’avance d’une fraction excessive du prix. Recomm. n° 87-02/6° : Cerclab n° 2157 (considérant n° 7 : le paiement intégral du prix convenu au moment même de la signature et avant que l'agence ait fourni la moindre prestation n’est pas suffisamment justifié par les risques d’impayés, le professionnel pouvant néanmoins tenir compte de ce risque en prévoyant un versement initial, le solde du prix n'étant réglé qu'à mesure de l'exécution de ses obligations par l'agence, échelonnement seul à même de garantir au consommateur l'exécution réelle des prestations qui lui sont dues par l'agence).

Dans le même sens, pour les juges du fond : TGI Dijon (1re ch. civ.), 10 avril 1995 : RG n° 1894/94 ; Cerclab n° 624 (le paiement intégral du prix fait perdre au consommateur les garanties d’exécution réelle des prestations) - TGI Rennes (1re ch. civ.), 21 janvier 2008 : RG n° 06/04221 ; Cerclab n° 3436 (est abusive la clause imposant un paiement comptant des honoraires, puisqu'elle prive le consommateur de la possibilité de suspendre le paiement du prix en cas de défaillance du prestataire de services, qui est une garantie de l'exécution réelle des prestations qui lui sont dues ; clause visée par la recommandation n° 87-02), sur appel CA Rennes (1re ch. B), 30 avril 2009 : RG n° 08/00553 ; Cerclab n° 2506 (problème non examiné, l’appel étant limité à une autre clause).

Inversement, ne crée aucun déséquilibre significatif la clause d’un contrat de courtage matrimonial qui n'impose pas le paiement de la totalité de la prestation sans contrepartie du professionnel, mais prévoit seulement le versement d'un premier montant de 25 % des sommes dues pour bénéficier d'un commencement d'exécution par le professionnel. CA Bordeaux (1re ch. civ. sect. B), 19 janvier 2012 : RG n° 10/05137 ; Cerclab n° 3553, sur appel de TI Périgueux, 15 mars 2010 : RG n° 11-09-0096 ; Dnd

Prix : sanction du défaut de paiement. Jugé qu’est abusive la clause qui stipule que « tant que l'intégralité du prix n'aura pas été réglée, la conseillère peut se réserver le droit de suspendre ses présentations », au motif qu’une telle rédaction est de nature à induire en erreur les consommateurs sur les conditions dans lesquelles ils peuvent engager la responsabilité de l'agence matrimoniale qui n'exécute pas ses obligations contractuelles. TGI Rennes (1re ch. civ.), 21 janvier 2008 : RG n° 06/04221 ; Cerclab n° 3436 (N.B. : sauf à contester l’exigence d’un paiement anticipé d’une fraction excessive du prix, décrite supra, cette clause semble avoir pour objet d’accorder au professionnel l’exception d’inexécution), sur appel CA Rennes (1re ch. B), 30 avril 2009 : RG n° 08/00553 ; Cerclab n° 2506 (problème non examiné, l’appel étant limité à une autre clause).

N’est pas abusive la clause prévoyant un paiement fractionnée et l'exigibilité immédiate du solde en cas de non paiement d'une échéance à son terme. CA Aix-en-Provence (11e ch. B), 24 janvier 2013 : RG n° 12/05353 ; arrêt n° 2013/38 ; Cerclab n° 4182, sur appel de TI Nice, 31 octobre 2011 : RG n° 11-11-000363 ; Dnd.

C. OBLIGATIONS DU PROFESSIONNEL

Obligations du professionnel. Avant la loi de 1989, la Commission des clauses abusives avait recommandé que les contrats proposés par les professionnels précisent de manière claire les prestations que l'agence s'engage à exécuter. Recomm. n° 87-02/3° : Cerclab n° 2157.

Selon l’art. L. 224-90 al. 1 C. consom. (ancien art. 6-I al. 2 L. 23 juin 1989), « Le contrat mentionne le nom du professionnel, son adresse ou celle de son siège social, la nature des prestations fournies, ainsi que le montant et les modalités de paiement du prix. Est annexée au contrat l'indication des qualités de la personne recherchée par le cocontractant du professionnel. » Ces mentions sont prescrites à peine de nullité. § L’art. L. 224-93 C. consom., reprenant l’art. 6-III décrit le régime des annonces publiées par le professionnel, en précisant notamment que « chaque annonce précise le sexe, l'âge, la situation familiale, le secteur d'activité professionnelle et la région de résidence de la personne concernée, ainsi que les qualités de la personne recherchée par elle». § L’art. R. 224-1 C. consom. (ancien art. 1er du décret du 16 mai 1990) précise quant à lui que « l'annexe au contrat et l'annonce personnalisée mentionnées aux articles L. 224-90 et L. 224-93 précisent la catégorie d'âge, la région de résidence, la situation familiale et professionnelle ainsi que les autres qualités, estimées essentielles par le cocontractant du professionnel, de la personne que recherche le cocontractant ».

N’est pas abusive la clause prévoyant une obligation de recherche dans la limite de quatre personnes par mois sans obligation de présentation. TGI Dijon (1re ch. civ.), 10 avril 1995 : RG n° 1894/94 ; Cerclab n° 624 (clause relevant de la nature aléatoire du contrat et de l’obligation de moyens).

Obligation de vérification des informations données. Selon l’ancien art. 6-III de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989, toute annonce personnalisée diffusée par l’intermédiaire d’un professionnel pour proposer des rencontres en vue de la réalisation d’un mariage ou d’une union stable, doit préciser, notamment, l’âge, la situation familiale, le secteur d’activité professionnelle et la région de résidence de la personne concernée ; en vertu de l’[ancien] art. 1147 C. civ. [1231-1 nouveau], ce professionnel est tenu, au titre de son devoir d’information, de vérifier les renseignements élémentaires concernant ses adhérents ; cassation, pour manque de base légale au visa de ces deux textes, de l’arrêt qui accueille la demande en paiement d’honoraires de l’agence, en retenant qu’aucune disposition contractuelle ou d’ordre public ne lui interdisait de proposer des candidatures d’adhérentes qui se trouvaient dans des agences multiples, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les personnes présentes, sous un même nom, sur d’autres sites de rencontre, n’y figuraient pas avec des âge et profession différents de ceux sous lesquels elle les présentait, caractérisant ainsi un manquement de ce professionnel à ses obligations. Cass. civ. 1re, 9 juillet 2015 : pourvoi n° 14-23109 ; arrêt n° 854 ; Cerclab n° 5306, cassant CA Toulouse (3e ch. sect. 1), 13 mai 2014 : RG n° 13/01447 ; arrêt n° 311/14 ; Cerclab n° 7315, sur appel de TI Toulouse, 10 janvier 2013 : RG n° 11-12-002564 ; Dnd.

Responsabilité de l’agence : clause exonératoire. N.B. Depuis le décret du 18 mars 2009, l’art. R. 132-1-6° C. consom. transféré aux art. R. 212-1-6° C. consom. et R. 212-5 C. consom. (extension aux non professionnels, sans intérêt en l’espèce puisqu’il s’agit depuis l’ordonnance du 14 mars 2016 exclusivement de personnes morales).

Est abusive la clause exonérant l’agence des conséquences des rencontres et plus généralement de l’utilisation des services de l’agence. TGI Dijon (1re ch. civ.), 10 avril 1995 : RG n° 1894/94 ; Cerclab n° 624 (solution fondée de manière inexacte sur le décret du 24 mars 1978).

Absence de caractère abusif de la clause prévoyant que l’agence ne peut être tenue responsable de la non obtention des visas, que ce soit pour l'adhérent ou 1'adhérente invitée en France, dès lors que le prestataire de service n'a aucun moyen de vérifier que le candidat remplit les conditions d'obtention d'un visa dont le refus peut avoir d'autres motifs que ceux invoqués. CA Rennes (1re ch. B), 30 avril 2009 : RG n° 08/00553 ; Cerclab n° 2506 (solution différente pour l'âge réel et l'état matrimonial que révèle la seule production d'un extrait de naissance), confirmant TGI Rennes (1re ch. civ.), 21 janvier 2008 : RG n° 06/04221 ; Cerclab n° 3436 (clause non abusive dès lors que, si le prestataire de services doit vérifier les qualités de ses adhérents, il n'a pas accès aux données permettant de contrôler si ceux qui résident à l'étranger remplissent les conditions d'obtention de visas pour se rendre en France, et que l'appréciation de ces conditions relève de la compétence exclusive des autorités administratives). § N.B. La solution ne semble pas devoir être modifiée depuis l’entrée en vigueur du décret du 18 mars 2009 pour ce qui est des informations que le professionnel ne peut contrôler, mais l’absence de responsabilité pour ne pas avoir décelé des irrégularités apparentes ou grossières appelle sans doute une solution différente, ce qui pourrait inciter, au minimum, à interpréter la clause restrictivement.

D. DURÉE ET FIN DU CONTRAT

Durée du contrat. Selon l’art. L. 224-90 C. consom., alinéa 3, « Ces contrats sont établis pour une durée déterminée, qui ne peut être supérieure à un an ; ils ne peuvent être renouvelés par tacite reconduction. Ils prévoient une faculté de résiliation pour motif légitime au profit des deux parties ». Le texte reprend l’alinéa 3 de l’art. 6-Ide la loi du 23 juin 1989. § V. avant ce texte : la Commission des clauses abusives recommande que les contrats proposés par les agences matrimoniales précisent la durée pour laquelle ils sont conclus. Recomm. n° 87-02/4° : Cerclab n° 2157.

V. cep. pour une décision estimant inutile l’argument du client qui, pour échapper au paiement, prétendait que le contrat s’était trouvé de fait résilié pour une cause expressément prévue par la convention, à savoir un « mariage hors contrat ». CA Bordeaux (1re ch. civ. sect. B), 19 janvier 2012 : RG n° 10/05137 ; Cerclab n° 3553, sur appel de TI Périgueux, 15 mars 2010 : RG n° 11-09-0096 ; Dnd.

Suspension du contrat. La clause qui réserve à l'agence matrimoniale la possibilité de suspendre le contrat si la conseillère estime que l'état psychologique de l'adhérent est momentanément peu propice aux rencontres est abusive en ce que l'appréciation de l'état psychologique de l'adhérent est nécessairement laissée à la discrétion du professionnel. TGI Rennes (1re ch. civ.), 21 janvier 2008 : RG n° 06/04221 ; Cerclab n° 3436, sur appel CA Rennes (1re ch. B), 30 avril 2009 : RG n° 08/00553 ; Cerclab n° 2506 (problème non examiné, l’appel étant limité à une autre clause). § Sur la suspension pour défaut de paiement du prix, V. ci-dessus.

Causes de la résiliation : résiliation unilatérale par le professionnel. La Commission des clauses abusives recommande que soient exclues les clauses permettant à l’agence de résilier le contrat par sa seule volonté. Recomm. n° 87-02/7° : Cerclab n° 2157 (considérant n° 9 ; clauses abusives dans la mesure où elles sont totalement arbitraires, unilatérales et pratiquement sans contrôle possible).

La clause qui offre la possibilité à l'agence d'annuler le contrat souscrit, sans motivation et sans indemnité constitue d'une part une clause potestative et d'autre part une clause abusive au sens de l'art. 35 de la loi du 10 janvier 1978. CA Paris (8e ch. B), 29 mai 1997 : RG n° 95/00628 ; Cerclab n° 1320 ; Juris-Data n° 023474 (arrêt fondant la solution sur l’art. 6-I in fine de la loi du 23 juin 1989 qui a justement été prévu « pour empêcher les clauses par lesquelles l'agence se réserve le droit de mettre fin au contrat de façon discrétionnaire »), confirmant sur ce point TI Saint-Ouen, 21 octobre 1994 : RG n° 94/00659 ; Dnd. § Est abusive la clause permettant à l’agence de résilier pour des motifs relevant de l’appréciation subjective et personnelle de l’agence. TGI Dijon (1re ch. civ.), 10 avril 1995 : RG n° 1894/94 ; Cerclab n° 624 (non respect des garanties d’honorabilité et de moralité et non respect de la lettre et de l’esprit du contrat).

Causes de la résiliation : résiliation pour motif légitime. La loi du 23 juin 1989 (art. 6-I, alinéa 3) et le nouvel art. L. 122-90 C. consom. imposent que les contrats « prévoient une faculté de résiliation pour motif légitime au profit des deux parties ». Cette solution était à l’époque très originale et elle a été reprise depuis, sans textes spéciaux mais sur le fondement du caractère abusif dans de très nombreux contrats (notamment d’enseignement, V. Cerclab n° 6320). § Rappr. supra pour les clauses permettant de refuser l’adhésion pour les mêmes motifs. § L’art. R. 224-2 al. 2 C. consom. (ancien art. 2, alinéa 2, du décret du 16 mai 1990) prévoit que « la résiliation est demandée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception accompagnée de la justification du motif légitime invoqué. »

* Caractère abusif lié à la rédaction de la clause. Est abusive la clause qui stipule que « le prix reste, en tout état de cause acquis à la conseillère, même si l'adhérent réalise une union avec une personne étrangère au cabinet », dès lors que, cette union ne figurant pas expressément parmi les motifs légitimes de résiliation à l'initiative de l'adhérent, une telle stipulation laisse croire à l'adhérent qu'il est tenu de payer l'intégralité du prix alors même que l'agence cesse d'exécuter ses prestations. TGI Rennes (1re ch. civ.), 21 janvier 2008 : RG n° 06/04221 ; Cerclab n° 3436, sur appel CA Rennes (1re ch. B), 30 avril 2009 : RG n° 08/00553 ; Cerclab n° 2506 (problème non examiné, l’appel étant limité à une autre clause).

* Caractère abusif lié à la limitation des motifs légitimes. Est abusive la clause qui ne prévoit qu’une liste limitative de motifs légitimes pour une résiliation par l’adhérent alors même que ceux qui peuvent être invoqués par l'agence renvoient à des notions floues et subjectives qui peuvent englober de nombreuses situations. TGI Rennes (1re ch. civ.), 21 janvier 2008 : RG n° 06/04221 ; Cerclab n° 3436, sur appel CA Rennes (1re ch. B), 30 avril 2009 : RG n° 08/00553 ; Cerclab n° 2506 (problème non examiné, l’appel étant limité à une autre clause). § V. aussi dans le même sens : CA Chambéry (2e ch.), 11 avril 2013 : RG n° 12/00560 ; Cerclab n° 4428 ; Juris-Data n° 2013-009327 (clause de résiliation déséquilibrée ne prévoyant que trois cas de résiliation, alors que d’autres motifs légitimes étaient envisageable tels qu’un déménagement, un Pacs ou des difficultés personnelles diverses ; clause réputée non écrite, n’entraînant pas la nullité du contrat ; en raison de l’exécution partielle de la convention et d'un motif fondé de résiliation du contrat, à savoir la rencontre d'une personne non adhérente avec laquelle le client souhaitait être honnête, celui-ci était fondé à résilier le contrat, sans pour autant rester débiteur de l'intégralité des honoraires), infirmant Jur. proxim. Bonneville, 5 décembre 2011 : RG n° 91-11-000017 ; Dnd - CA Pau (1re ch.), 29 janvier 2015 : RG n° 13/03858 ; arrêt n° 15/429 ; Cerclab n° 5038 (est abusive et réputée non écrite la clause d’un contrat de courtage matrimonial qui n’offre à l’adhérent une faculté de résiliation pour trois causes limitativement énumérées (maladie grave, hospitalisation et mariage hors contrat), dès lors qu’une telle clause est plus restrictive que la notion légale de motif légitime prévue par l’art. 6 la loi du 23 juin 1989, ce qui crée, en faveur de l'agence matrimoniale, un déséquilibre qui se traduit par des conséquences économiques importantes, au seul profit de celle-ci ; conséquences : résiliation valable en cas de rencontre d’une personne et concubinage établi, et exigibilité des seuls mois échus), sur appel de TI Bayonne, 26 juin 2013 : Dnd.

* Caractère abusif lié à l’appréciation des motifs légitimes. N’est pas abusive la clause permettant la résiliation pour des motifs de moralité risquant de causer préjudice aux autres adhérents. TGI Dijon (1re ch. civ.), 10 avril 1995 : RG n° 1894/94 ; Cerclab n° 624.

V. cependant : la clause qui réserve à l'agence matrimoniale la possibilité de résilier de plein droit le contrat si l'adhérent se révèle ne pas présenter toutes les garanties de sérieux et de moralité est abusive en ce que l'appréciation des ces notions ne reposant sur aucun critère objectif est nécessairement laissée à la discrétion du professionnel. TGI Rennes (1re ch. civ.), 21 janvier 2008 : RG n° 06/04221 ; Cerclab n° 3436 (l'agence aurait dû préciser que la résiliation était possible quand la moralité de la personne concernée risquait de porter préjudice aux autres adhérents), sur appel CA Rennes (1re ch. B), 30 avril 2009 : RG n° 08/00553 ; Cerclab n° 2506 (problème non examiné, l’appel étant limité à une autre clause).

Suites de la résiliation : restitutions. L’art. R. 224-2 al. 1 C. consom. dispose : « en cas de résiliation du contrat pour motif légitime prévue à l'article L. 224-90, le prix initialement convenu est réduit à proportion, respectivement, de la durée du contrat courue et de celle qui reste à courir ». Le texte reprend l’art. 2, alinéa 1, du décret du 16 mai 1990. L’alinéa 3 de l’art. R. 224-2 C. consom. (art. 2 al. 3 ancien) précise que « les sommes versées en sus du prix déterminé comme ci-dessus sont remboursées par le professionnel dans le délai de deux mois à compter de la réception de la lettre recommandée prévue au deuxième alinéa ».

La Commission des clauses abusives recommande que soient exclues de ces contrats comme abusives les clauses permettant à l’agence, en cas de rupture du contrat, de conserver l’intégralité du prix ou d’en exiger le paiement, quels que soient les préjudices réellement subis, l’état des prestations fournies au jour de la rupture du contrat, et les motifs de celle-ci. Recomm. n° 87-02/8° : Cerclab n° 2157.

Dans le même sens : est abusive et illicite la clause ne prévoyant pas la restitution des sommes versées prorata temporis à la suite d’une résiliation. TGI Dijon (1re ch. civ.), 10 avril 1995 : RG n° 1894/94 ; Cerclab n° 624 (les dispositions de la loi du 23 juin 1989 sont d’ordre public). § Est abusive la clause prévoyant la conservation systématique du prix, lorsque l’adhérent interrompt définitivement son adhésion. CA Aix-en-Provence (11e ch. B), 24 janvier 2013 : RG n° 12/05353 ; arrêt n° 2013/38 ; Cerclab n° 4182 (contrat conclu le 26 mars et résilié le 12 avril après l’exécution d’un nombre très limité de prestations, alors que le coût intégrait un voyage en Russie par avion et une prestation de traduction de 80 pages non utilisées ; réduction de 8.100 euros à 3.000), sur appel de TI Nice, 31 octobre 2011 : RG n° 11-11-000363 ; Dnd.

Suites de la résiliation : clauses pénales. Absence de caractère abusif d’une clause pénale en cas de rupture pour inexécution de ses obligations par le consommateur. TGI Dijon (1re ch. civ.), 10 avril 1995 : RG n° 1894/94 ; Cerclab n° 624.

E. LITIGES

Clauses pénales « en cas de litiges ». La Commission des clauses abusives recommande que soient exclues les clauses pénales permettant à l’agence d’exiger une indemnité, quels que soient son préjudice et l’état des prestations fournies par elle, de même que celles fixant une indemnité forfaitaire en cas de litige ou de procédure, quelles que soient la raison et l’issue de ce litige ou de cette procédure. Recomm. n° 87-02/9° : Cerclab n° 2157 (considérant n° 11 ; caractère abusif des clauses pénales prévues « en cas de litige » dont l’existence même est peu compatible avec l'économie de ce type de contrat, puisque, l'agence percevant la totalité du prix dès la signature du contrat et avant toute prestation, il est difficile de justifier un préjudice).

Clauses attributives de compétence. La Commission des clauses abusives recommande que soient exclues comme illégales et abusives, les clauses dérogeant aux règles légales de compétence territoriale ou d’attribution. Recomm. n° 87-02/10° : Cerclab n° 2157.