CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE
- DOCUMENT N° 6109 (10
juillet 2020)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES
ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CLAUSE
MODIFICATION DU CONTENU DU CONTRAT -
CLAUSE DE MODIFICATION UNILATÉRALE
DROIT ANTÉRIEUR AU DÉCRET DU
18 MARS 2009 - MODIFICATION DES CARACTÉRISTIQUES DU BIEN OU DU SERVICE (DÉCRET
DU 24 MARS 1978 - R. 132-2 C. CONSOM.) - EXCEPTIONS :
MODIFICATION JUSTIFIÉE PAR L’ÉVOLUTION TECHNIQUE
Décret du 24
mars 1978 : évolution technique. Selon le second alinéa de l’art. 3
du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, codifié à l’ancien art. R. 132-
L’exception consacrée par le texte suppose plusieurs
conditions :
1. Évolution technique.
La modification doit être justifiée par l’évolution technique. § Pour une
illustration : Cass. civ. 1re,
5 juillet 2005 : pourvoi n° 04-10779 ;
arrêt n° 1120 ; Cerclab n° 2797 (vente de voiture ;
clauses conformes à l’ancien art. R. 132-2 C. consom., la notion d'évolution
technique, qui vise nécessairement l'amélioration du produit, allant dans le
sens de l'intérêt du consommateur qui bénéficie sans changement de prix et pour
une qualité de véhicule égale, d'une amélioration technique, le contrat
permettant au consommateur de mentionner les caractéristiques essentielles du
véhicule), rejetant le pourvoi contre CA Grenoble (1re ch. civ.), 8
septembre 2003 : Dnd. § Pour les
juges du fond : absence
de caractère abusif de la clause permettant au vendeur en l’état futur
d’achèvement de remplacer tous matériaux, matériel et fourniture prévus par
tout autre de son choix, équivalent en prix et qualité, lorsque l’approvisionnement
du chantier aura été rendu difficile ou lorsqu’il est imposé pour des raisons
techniques ou de sécurité, dès lors que cette clause suppose la réalité d’une
nécessité technique. CA
Versailles (4e ch.), 9 janvier 2006 :
RG
n° 04/03565 ; Cerclab n° 2531 (vente d’immeuble à
construire ; remplacement de la structure de certains éléments pour
alléger la construction et faciliter l’usage d’un parking), sur appel de TGI
Chartres, 19 novembre 2003 : RG n° 99/03694 ; Dnd.
Au sens strict, la définition est étroite : elle ne
couvre pas des modifications purement commerciales, même si les décisions
recensées (V. Cerclab n° 6111)
montrent que la force majeure, la modification d’un contrat à durée indéterminée
ou encore les contraintes commerciales d’adaptation du service sont parfois
pris en compte, dans une logique assez proche de celle de l’alinéa 2 (nécessité
du changement, information du consommateur, droit de résilier sans pénalité).
Sur la nécessité de différencier la
modification des services et l’évolution technique : ne sont pas abusives les clauses
prévoyant que l’opérateur peut remplacer la carte SIM à tout moment, « pour
quelque cause que ce soit » dans une version du contrat, ou « en
cas de défaillance constatée de celle-ci ou dans le cadre d’évolutions
techniques ou commerciales » dans une autre version, dès lors que la carte
SIM ne peut être assimilée au service lui-même qui est contractuel, et consiste
en la mise à disposition d’une ligne, et que les modifications qui pourraient
être apportées sur cette carte sont donc sans incidence sur le service offert
au consommateur. TGI Paris (1re ch. 1re sect.), 20
octobre 1998 : RG n° 1819/97 ; jugt n° 3 ; Site CCA ; Cerclab
n° 4027 ; D. Affaires 1999.
860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729. § N'est pas
abusive la clause permettant à l’opérateur de reprendre la carte SIM en cas
d'amélioration technique, qui est conforme aux dispositions de l’ancien art.
R. 132-2-1 C. consom. CA Paris
(pôle 5 ch. 11), 30 mars 2018 : RG
n° 15/08688 ; Cerclab n° 7532 (art. 3.1). § Comp. pour une analyse différente, pour un
autre contrat : si la restitution de la carte à son propriétaire n’est
pas critiquable en cas de résiliation de l’abonnement, est abusive la clause de
remplacement de la carte SIM sur simple demande de l’opérateur, qui laisse
toute latitude à ce dernier pour modifier les conditions d’accès de l’abonné au
service, à sa seule discrétion, sans même avoir à justifier du moindre motif.
TGI Paris (1re ch. 1re sect.), 16 mars 1999 : RG
n° inconnu ; Site CCA ; Cerclab n° 4023 ; D. Affaires 1999.
860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729. § Comp. : absence de preuve par l’association de
consommateurs que la possibilité de retrait de la carte SIM permet à
l’opérateur de modifier unilatéralement le service proposé au détriment du
consommateur. TGI Nanterre (1re ch. A), 17 mars 1999 : RG
n° 12004/98 ; Site CCA ; Cerclab n° 4013 ; D. Affaires
1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729.
La charge de la preuve que la modification est de nature technique
repose sur le professionnel : absence de preuve par l’opérateur
téléphonique que la modification unilatérale du mode de facturation est
justifiée par le maintien d'une qualité de service, alors qu'au contraire les
abonnés demandeurs considèrent que ce changement représente une régression
technique par rapport au précédent mode de facturation à la seconde. TI Nîmes, 9 octobre 2001 : RG
n° 11-01-000509 ; Cerclab n° 1043 (téléphonie mobile).
Cette condition implique que les modifications restent
« mineures ». En ce sens : TGI Grenoble (6e ch.),
31 janvier 2002 : RG
n° 2000/01747 ; jugt n° 25 ; Cerclab n° 4374 ;
Lexbase (vente de voiture ;
absence de limitation de rappel du maintien du prix) - CA Grenoble (1re ch. civ.), 7
novembre 2005 : RG
n° 03/02668 ; arrêt n° 688 ; Cerclab n° 3131 ;
Juris-Data n° 308385 (vente de voiture ; clause abusive limitant la
possibilité pour le consommateur de résilier sa commande aux seules
modifications des caractéristiques techniques ou matérielles du véhicule et
absence de rappel du maintien du prix et de la qualité), confirmant TGI Grenoble, 3 juillet 2003 : RG n° 2002/01872 ; Dnd - CA Paris (pôle 2 ch. 2), 5 juin 2015 : RG n° 13/20479 ; arrêt
n° 2015-149 ; Cerclab n° 5296 (vente de voiture ;
contrat ne mentionnant pas le caractère mineur des modifications), infirmant
TGI Paris, 9 juillet 2013 : RG
n° 10/13976 ; Dnd - CA
Paris (pôle 2 ch. 2), 5 juin 2015 :
RG n° 13/20482 ; arrêt n° 2015-150 ; Cerclab n° 5294 (idem), infirmant TGI Paris, 9 juillet
2013 : RG n° 10/13975 ; Dnd.
Comp. pour des modifications non nécessairement liées à des aspects
techniques : n'est pas abusive, au regard de l’ancien
art. R. 132-2 C. consom., la clause qui ne libère pas le vendeur de son
obligation de délivrance conforme du produit vendu, sa portée se limitant à
l'existence de « variations minimes dans la représentation des articles »
au regard des photos de présentation figurant dans son catalogue électronique. TGI Paris (1re ch. sect. soc.),
4 février 2003 : RG
n° 02/11174 ; jugt
n° 2 ; Cerclab n° 3862 ; D. 2003. 762, note Manara ; JCP 2003. II. 10079, note
Stoffel-Munck ; Juris-Data n° 218093 et n° 204208.
2. Absence d’autres
modifications. La modification doit être « cantonnée » à l’aspect
technique, sans influence sur le reste du contrat, notamment de son prix, et ne
pas entraîner d’altération de la qualité.
Les clauses qui omettraient de rappeler ces exigences ont
été déclarées abusives : Cass. civ. 1re, 14 novembre
2006 : pourvoi n° 04-17578 ; arrêt
n° 1435 ; Bull. civ. I, n° 489 (arrêt n° 3) ; Cerclab
n° 2803 (vente de voiture ; clause abusive, non-conforme à
l’ancien art. R. 132-2 C. consom. en ce qu’elle reproduit le droit
exceptionnel accordé au professionnel sans l'indication de toutes les limites
et conditions posées par le texte),
rejetant le pourvoi contre CA
Grenoble (1re ch. civ.), 1er juin 2004 : RG n° 02/01499 ; arrêt n° 333 ;
Cerclab n° 7049, confirmant TGI
Grenoble (6e ch.), 31 janvier 2002 : RG
n° 2000/02123 ; jugt n° 26 ; Site CCA ; Cerclab n°
3166 ; Juris-Data n° 167015 (vente de voiture ; clause de modification omettant de rappeler le
maintien du prix et l’absence d’altération de qualité) - Cass. civ. 1re, 14 novembre 2006 : pourvoi
n° 04-15646 ; arrêt n° 1433 ; Bull. civ. I,
n° 488 ; Cerclab n° 2801 ; D. 2006. AJ 2980, obs.
Rondey ; Contr. conc. consom. 2007, chron.
3. Droit de préciser
des caractéristiques intangibles. La clause doit réserver la possibilité au
consommateur de déterminer les caractéristiques auxquelles il subordonne son
engagement. Le texte ne précise pas la sanction (contrairement au décret du 18
mars 2009). Si le consommateur a précisé l’intangibilité de certaines
caractéristiques, le professionnel ne peut les modifier. Dans l’hypothèse où
néanmoins il le ferait, il faut considérer qu’il commet une inexécution du
contrat justiciable d’une action de droit commun en exécution forcée,
responsabilité ou le cas échéant, résolution ou résiliation.
Pour des illustrations : non-respect de l’ancien art. R. 132-2, al.
Sur le droit de résilier : CA Grenoble (1re ch. civ.),
7 novembre 2005 : RG n° 03/02668 ; arrêt n° 688 ; Cerclab n°
3131 ; Juris-Data n° 308385 (vente de voiture ; clause
abusive limitant la possibilité pour le consommateur de résilier sa commande
aux seules modifications des caractéristiques techniques ou matérielles du
véhicule, ce qui peut donner lieu à interprétation et discussion et en tout
état de cause ne lui donne pas la possibilité de refuser un véhicule modifié
sur une disposition qui lui apparaîtra substantielle), confirmant TGI Grenoble, 3 juillet 2003 : RG n° 2002/01872 ; Dnd.
Limites de l’exception. La dérogation prévue par
l’ancien art. R. 132-
* Régression technique.
Le texte interdisait explicitement la validation de clauses entraînant une
« altération de qualité ». § Est abusive, au sens de l’ancien art. R. 132-
* Clauses extensives.
La dérogation s’interprète strictement. V. par exemple : Recomm. n° 03-01/II-10° :
Cerclab n° 2200 (fourniture d’accès internet ; caractère
abusif des clauses permettant au professionnel, en cours d’exécution du
contrat, hors les cas prévus par l’ancien art. R. 132-2 C. consom., de modifier
unilatéralement, sans accord explicite de l’abonné, le service promis ; selon
le considérant, même avec une faculté de résiliation pour le consommateur, le
client, qui a pris un abonnement payant, peut légitimement compter sur
l’exécution de l’intégralité du service qui lui a été initialement promis).
Caractère abusif de la clause autorisant l’opérateur à imposer à l’abonné
des modifications de son téléphone pour des raisons autres que des normes
techniques imposées par les autorités compétentes en la matière. TGI Paris (1re
ch. 1re sect.), 16 mars 1999 : RG n° inconnu ;
Site CCA ; Cerclab n° 4023 ; D. Affaires 1999. 860, obs.
V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (opérateur présentant la clause comme visant à respecter des
modifications techniques, mais acceptant de modifier la clause dans le sens
demandé par le jugement). § Est contraire à l’ancien art. R. 132-
* Imputation des frais
de modification technique. La Commission des clauses abusives recommande
l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet d’imputer au
consommateur les frais d’une modification technique de l’installation. Recomm.
n° 99-02/15 : Cerclab n° 2193 (téléphones portables ;
modification de l’installation pour des raisons de sécurité ou des impératifs d’exploitation ;
clauses abusives en ce qu’elle fait supporter au consommateur les frais
nécessaires à la poursuite de l’exécution de ses obligations par le
professionnel).
Modification technique provoquée par le consommateur. La Commission des clauses
abusives recommande l’élimination des contrats de maintenance des dispositifs
de transport vertical les clauses qui ont pour objet ou pour effet de prévoir,
lorsque l’usage de l’immeuble fait l’objet de transformations, la modification
de plein droit par le professionnel des conditions contractuelles sans
permettre à cette occasion au consommateur de renégocier le contrat ou de le
résilier. Recomm. n° 97-02/4° : Cerclab n° 2190 (maintenance et entretien).